Date: 7 août, 2023 - Blog
Cela faisait un moment…
¨La productivité mesure la quantité de valeur créée pour chaque heure travaillée dans une société.¨ Mc Kinsey
Fondamentalement, dans une perspective de long terme, ∂Croissance réelle = ∂emploi + ∂productivité. Malheureusement, ces deux facteurs ont déçu au cours des dernières décennies. La croissance du marché du travail a souffert du vieillissement de la population et du plafonnement de la participation au marché du travail. La productivité a déçu pour des raisons essentiellement cycliques, le sous-investissement dans le capital pendant la répression financière et l’insuffisance des investissements publics dans l’éducation et les compétences en matière d’innovation… Voir les graphiques 1 et 2. Des obstacles supplémentaires sont apparus ces dernières années, liés au renforcement de la ¨souveraineté¨ : a) barrières commerciales et à la mobilité de la main-d’œuvre qualifiée, b) embargos sur les technologies stratégiques, relocalisation, baisse des FDI, c) raréfaction des ressources naturelles (énergie/terres rares/alimentation). Depuis des années, les économistes sont divisés sur les perspectives de la productivité. Les ¨techno-pessimistes¨ soutiennent que la dernière vague de développements numériques ne parviendra pas à augmenter la productivité du travail parce que l’innovation connexe entraîne essentiellement un ¨effet de distraction¨ (comme la surutilisation de Netflix/Instagram). Les ¨techno-optimistes¨ répondent que l’adaptation des infrastructures et des processus prendra plus de temps avec les nouvelles technologies. Au-delà de cette controverse, le déferlement de produits/solutions d’intelligence artificielle générative facilement accessibles les renvoie dos à dos.
Aucune politique nataliste ne peut avoir d’impact matériel sur les marchés du travail à court ou moyen terme
Par conséquent, pour les décideurs politiques dans les années à venir, stimuler la croissance signifie désespérément augmenter la productivité
Graphique 1 : Un déclin généralisé de la productivité
Graphique 2 : Formation de capital et productivité
Une première vague, décevante, de transformation numérique
La transformation numérique (DT) des économies est en cours depuis plusieurs années, y compris la première génération d’IA. La DT a progressivement bouleversé les modèles d’entreprise traditionnels, en surprenant et en ravissant les clients avec de nouveaux services dans les domaines de la banque en ligne, de la vente au détail, du streaming, des fonctions de conduite autonome sur les voitures, etc. Les entreprises disruptées ont revu leurs modèles d’entreprise dans le cadre d’un processus ouvert, constant. La technologie de l’information a également profondément transformé la structure des marchés du travail, avec le travail à domicile. Malgré plus d’une décennie d’innovations numériques, la croissance économique de l’OCDE est restée faible. Certes, la cause principale est la démographie, puisque la croissance annualisée de la population active mondiale est passée de +2,5 à seulement +0,8 % entre 1972-82 et 2012-22. Mais les espoirs élevés de gains de productivité ont également été totalement déçus ! Au cours de la dernière décennie, la croissance de la productivité… a ralenti de -0,4 % par rapport à la décennie précédente. Voir le graphique 3. Mais ne sommes-nous pas en fait à la veille d’une deuxième accélération avec l’explosion des produits/solutions de GAI ? D’où la question à plusieurs trillions de dollars : la GAI pourraient-elle être, enfin, l’ultime changement de donne tant attendu ?
Jusqu’à présent, le dynamisme du DT n’a pas eu d’impact sur la productivité
Graphique 3 : Moteurs structurels de croissance
Quel pourrait être l’impact de la GAI sur la productivité ?
¨ L’intelligence artificielle générative (GAI) fait référence à une catégorie d’algorithmes d’IA qui génèrent de nouvelles réponses en fonction des données sur lesquelles elle a été basée. Elle utilise un type d’apprentissage profond (deep learning) appelé réseaux adversaires génératifs qui ont un large éventail d’applications, y compris la création d’images, de texte et d’audio.¨ WEF
Principales conclusions de l’étude Q2-23 de Mc Kinsey (voir graphique 4) :
- « La GAI a le potentiel de changer l’anatomie du travail, en augmentant les capacités des travailleurs individuels par l’automatisation de certaines de leurs activités individuelles »….
- « La GAI pourrait ajouter l’équivalent de 2,6 à 4,4 billions de dollars par an à la croissance mondiale. »
- « La GAI pourrait ajouter 0,1 à 0,6 % par an jusqu’en 2040 à la croissance de la productivité du travail »…
- « Environ 75 % de la valeur créée par la GAI relève de quatre domaines : les opérations clients, le marketing et les ventes, l’ingénierie logicielle et la R&D »…
- « Les banques, les hautes technologies et les sciences de la vie font partie des industries qui pourraient subir l’impact le plus important, en pourcentage de leurs revenus. »
Graphique 4 : Contribution à long terme à la productivité
Différents mécanismes de transmission…
La GAI est transformatrice et omniprésente par nature. Les grands modèles de langage (LLM), comme le GPT popularisé par Open AI et Microsoft, démocratisent l’IA pour les entreprises. Certains osent l’analogie avec l’arrivée des navigateurs web – Netscape au début des années 1990 – qui déclencha une chaîne d’événements modifiant notre façon de travailler, nous connecter, consommer, collaborer et ¨vivre¨. Avec la GAI, ce qui n’était autrefois accessible qu’à quelques entreprises disposant d’une puissance de calcul gigantesque, sera accessible à tous pour la personnalisation et la consommation, avec un « copilote » qui nous guidera. Cette technologie s’intégrera profondément dans les affaires et la prise de décision, et concernera principalement les cadres – cols blancs -. Voir le graphique 5. Incidemment, le MIT a étudié l’impact du ChatGPT sur 444 cols blancs. On leur a demandé d’effectuer des tâches de rédaction, d’édition de marketing, d’octroi de subventions, d’analyse de données et de ressources humaines. Le groupe utilisant ChatGPT a été 37% plus rapide dans l’exécution des tâches. Le système accélère la rédaction du « projet » et des « premières conclusions », contrairement à la rédaction finale. Voir graphique 6.
Graphique 5 : Impact plus important sur les haut salaires
Graphique 6 : Impact de ChatGPT
L’autre facteur qui facilitera l’adoption à grande échelle de la GAI, c’est l’amélioration des perspectives de l’investissement productif. Les pouvoirs publics retrouvent de l’appétit pour les grands plans d’investissement, liés au désordre climatique, à la sécurité/défense (le nouvel ordre géopolitique mondial). Les États-Unis, l’Europe et la Chine s’y engagent à long terme, avec des injections massives de capitaux. Les investissements productifs bénéficieront aussi de la fin de la répression financière qui, depuis la crise financière mondiale, avait détourné les entreprises vers l’ingénierie financière. Les entreprises augmenteront moins leur dette (plus onéreuse) pour spéculer ou racheter des actions, au profit de la conquête de parts de marché, de la compétitivité, etc.
…et de nouveaux défis
La presse et le New York Times notamment regorgent d’articles sur les « dangers » de l’IA. Elle pourrait perpétuer la désinformation, renforcer les acteurs malveillants, violer la vie privée, porter atteinte à la propriété intellectuelle. La GAI risque de devenir le bouc émissaire des dirigeants populistes, parce que menaçant l’emploi. La GAI pourrait remplacer jusqu’à un quart des emplois actuels (Goldman Sachs). Un tel choc rendra quasi-impossible l’adaptation à temps des travailleurs déplacés. Cette pression sur l’emploi et les salaires serait fondamentalement désinflationniste.
Graphique 7 : Impact par secteurs/industries
La GAI est un raz-de-marée omniprésent qui obligera les organisations à revoir leur modèle d’affaires et leurs plans d’investissement. OUI, la GAI change la donne globale en augmentant la productivité, la désinflation salariale, mais aussi en accentuant la volatilité et la fragmentation macro-économiques
Les vents contraires à la GAI sont les relations internationales, le redéploiement du temps de travail et les décideurs politiques voulant contenir ses effets secondaires. Son impact variera selon les pays, régions, secteurs. Les employés les plus éduqués/rémunérés seront les premiers à être ciblés / ¨uberisés¨