Date: 5 décembre, 2019 - Blog
La relation entre les sphères économique et financière est complexe et non-linéaire
En été 2018 par exemple, l’embellie conjoncturelle et un début d’accélération du renchérissement avaient provoqué un regain significatif de volatilité. En clair, l’amélioration (potentiellement trop importante) des fondamentaux avait fait capoter les bourses. Ces dernières semaines, la psychologie des investisseurs s’est clairement redressée en dépit du ralentissement conjoncturel global et des prévisions pour le moins prudentes des grands instituts supranationaux (FMI). Cette embellie fait suite aux injections de liquidités de la part des banques centrales et à quelques données macro-économiques ¨soft¨, c’est à dire provenant d’enquêtes (indicateurs avancés et autres ISM). Les actifs risqués ont rebondi, notamment les secteurs les plus cycliques (sensibles à l’économie), tels que les banques et l’industrie. Rien de très nouveau en fait, puisque les marchés financiers traduisent avant tout le reflet des anticipations des opérateurs. Afin d’évaluer le bien-fondé de ce regain d’optimisme, il convient de se demander qu’est-ce qui est escompté dans les prix – actuels – ?
En y regardant de près, on en conclut qu’une majorité des investisseurs table désormais, pour 2020, sur un remake de 2017-2018. En effet, les derniers sondages auprès des gestionnaires de fonds confirment qu’une majorité des professionnels a réinvesti d’importants capitaux dormants dans les marchés des actions ces dernières semaines. La mécanique de la rotation sectorielle – avec la surperformance du segment value / des petites capitalisations – préfigure une reflation réussie. Les investisseurs sophistiqués tels que les CTA et les hedge funds ont amplifié ce dernier mouvement. Les stratégies très populaires de vente à découvert de volatilité à très grande échelle ont ressuscité, malgré les 2 à 3 accidents graves de ces deux dernières années (Vix-mageddon). Le niveau actuel des positions nettes à découvert sur la VIX est sans précédent… La montée significative des marchés des actions préfigure le mid-cycle slowdown (à la 95-97), voire un remake de l’épisode 2017-18. Mais cette fois-ci, la Chine ne sauvera pas la conjoncture mondiale par une croissance spectaculaire du crédit, et les Etats-Unis, empêtrés dans une année électorale très clivante, ne pourront pas doper leur croissance avec un plan de relance massif. Complaisance?
Au niveau des bonnes nouvelles
Les résultats publiés des sociétés américaines au troisième trimestre ne se sont pas effondrés comme on avait pu le craindre un moment. De même, les investisseurs privés ne sont pas revenus en masse sur les marchés. Ils sont souvent un bon indicateur de fin de tendance… Mais le consensus des analystes en matière de croissance des bénéfices pour 2020 – un chiffre approchant 10% – reste (trop) ambitieux. Surtout si le rythme de l’activité économique ne reprend pas de manière significative. Certains segments des marchés des capitaux (prêts à haut rendement / leverage loans) restent sous tension. Les matières premières n’ont pas rebondi comme elles devraient le faire si l’on était à l’aube d’un regain de croissance. Les taux à long terme – comme l’emprunt de référence du Trésor américain à 10 ans – restent prudents et cloués sous les 2%. Schizophrénie des investisseurs.
En résumé
La vigueur des marchés boursiers repose essentiellement sur des attentes élevées, qui ne sont pas corroborées par d’autres classes d’actifs. Un des moteurs principaux de l’enthousiasme boursier vient du fameux syndrome FOMO (peur de manquer la hausse) des grands institutionnels. Espérons qu’ils voient juste et que l’on échappe à la récession. Le manque de munitions monétaires, l’endettement et l’absence de coopération internationale rendraient la relance difficile. Les risques de récession ont probablement un peu baissé tout récemment. Tant mieux! A très court terme, une (nouvelle) poussée de volatilité due à un excès de complaisance et au comportement spéculatif de nombre d’investisseurs n’est pas du tout exclue…