Date: 19 mars, 2021 - Blog
L’espace, à la fois si lointain et si central
Un récent projet russo-chinois est potentiellement d’une grande importance géopolitique :
¨La Roscosmos de la Russie et l’Administration nationale de l’espace de la Chine – les équivalents respectifs de la NASA – ont annoncé le développement conjoint de la Station internationale de recherche lunaire, ou ILRS¨.
Ce projet rivalise avec la station spatiale américaine, connue sous le nom de Gateway. Le programme américain de retour à la Lune, appelé Artémis, prévoit une base sur la surface lunaire. La NASA prévoit en fait d’envoyer la première femme et le prochain homme sur la Lune d’ici 2024, en utilisant des technologies innovantes pour explorer la surface lunaire.
L’espace fait l’objet d’une militarisation croissante
L’exploitation des ressources lunaires, comme les terres rares, est un enjeu stratégique global
Moscou et Pékin, ces amants improbables
Depuis la nuit des temps, la Chine et la Russie ne s’aiment pas. Unifiés par l’invasion de Gengis Khan, puis libérés des Mongols au XIVe siècle, les deux pays se sont pourtant repliés sur eux-mêmes. Alliés de circonstance et unis par le communisme, ils n’ont jamais vraiment cessé d’être rivaux. Pourtant, depuis 2001, ils ont fondé ensemble le Groupe de Shanghai, une sorte d’OTAN panasiatique orienté contre les Etats-Unis. Mais ce groupe très hétérogène n’a jamais pesé politiquement. L’Inde, par exemple, n’appartient de facto plus au bloc anti-américain.
Le SCO de 2001 – un projet mort-né
-delà de la politique, la Russie et la Chine poursuivent d’autres projets communs. En effet, elles partagent une vision de l’exploitation, du transport et de la distribution de l’énergie. Elles envisagent de faire du pôle Nord une « route de la soie arctique ».
Le réchauffement entre Pékin et Moscou s’est intensifié il y a quelques années déjà :
- Depuis 2014, la Russie vend de plus en plus d’armements militaires de pointe à la Chine. Les armées des deux nations ont également mené des exercices militaires conjoints. En 2019, l’Afrique du Sud a accueilli un exercice maritime avec la Russie et la Chine, suivi d’un autre exercice militaire trilatéral avec l’Iran dans le golfe d’Oman, appelé Marine Security Belt (qui s’est répété en février dernier).
- La station lunaire russo-chinoise confirme le renforcement de leur front du refus. Aucun des deux pays ne possède la capacité de construire seul une telle installation. Les plans disponibles suggèrent qu’elle ne sera pas construite avant les années 2030. Toute présence humaine est envisagée dans un avenir encore plus lointain. Mais quand même…
La lune, objet scintillant de toutes les convoitises
A l’époque de l’URSS et de la guerre froide, la conquête de l’espace symbolisait à l’extrême la rivalité entre les deux ¨Empires¨ dominants. Les États-Unis l’emportèrent de justesse, signe prémonitoire d’autres soucis ultérieurs de l’État communiste. Une période de coopération a suivi la désintégration de l’URSS, avec notamment la station spatiale internationale, qui regroupe Américains, Russes, Français, etc. Chose intéressante, les astronautes chinois en ont été tenus à l’écart par Washington.
Carte géologique de la lune
Bien que l’ILRS ne représente pas une menace immédiate pour l’Occident…
…ce projet confirme l’émergence d’un axe inquiétant Moscou-Beijing-(Téhéran)
Une ¨resucée¨ de la – vieille – stratégie américaine d’endiguement
L’endiguement, c’est une politique américaine qui a utilisé de nombreuses stratégies pour empêcher la propagation du communisme à l’étranger. Cette politique a répondu à l’élargissement, par l’Union soviétique, de sa sphère d’influence en Europe de l’Est, en Chine, en Corée et au Vietnam. La base de cette doctrine a été formulée en 1946 par l’administration du président Truman.
Une version moderne de cette doctrine s’appelle le Quad – une alliance souple entre les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie -. Cette organisation a été qualifiée par Pékin d’emblématique de la mentalité « empoisonnée » de la guerre froide, et de « diamant des démocraties » dans l’Indopacifique par la nouvelle administration américaine. Incidemment, la renaissance du Quad précède l’élection de Biden, elle est à mettre au crédit de D. Trump. Vendredi dernier, Biden a convoqué une réunion plénière – virtuelle -. Selon l’ancien secrétaire américain à la défense J. Mattis, le Quad jouera un rôle important dans quatre domaines clés : la sécurité maritime, la sécurité des chaînes d’approvisionnement, la technologie et la diplomatie.
Après le Moyen-Orient, les États-Unis continuent de repenser leurs options géopolitiques
- La course à la domination de l’espace s’intensifie
- L’enjeu de la lune est triple : prestige, économie, et militaire
- Le rapprochement de Moscou et de Pékin consacre leur alliance de fait contre l’Occident