Date: 27 août, 2018 - Blog
Mais l’indépendance de la Fed n’est pas en péril
Le 31 janvier 1970, lors de l’assermentation de A. Burns, Richard Nixon avait déclaré : «Je respecte l’indépendance du président de la Fed». «Cependant, j’espère que, en toute indépendance, il conclura que mes opinions sont celles qui devraient être suivies»… Arthur Burns est devenu le symbole d’une Fed politisée et d’une politique inappropriée de la banque centrale. Arthur Burns, éminent économiste et professeur à l’Université Columbia, a été nommé en 1969 président de la Réserve fédérale par le président R. Nixon. C’est un loyaliste du parti républicain. Les «Nixon Tapes», publiées il y a plus de dix ans, ont révélé que le président américain avait multiplié les pressions actives sur Burns pour qu’il engage une politique monétaire expansionniste afin d’emporter un deuxième mandat en 1972.
La Fed est devenue très expansionniste en 1971 et en 1972. Le gouvernement en place a jeté de l’huile sur le feu en supprimant – par étapes en 1973 – les contrôles des salaires et des prix instaurés en août 1971. Ces excès de stimulation de la demande 1970 : 2,8%, 1971: 3,5%, 1972: 7,7% ont généré une inflation à deux chiffres 1970: 7,4%, 1971 : 13,4%, 1972: 11,7%. L’économie est entrée en récession en novembre 1973. Il a fallu Paul Volker pour maîtriser l’inflation dans les années 80 Le gouvernement américain n’est pourtant pas censé guider la politique monétaire, ni définir les objectifs de la banque centrale. Certes, il nomme les membres du comité directeur, mais seulement selon un calendrier préétabli / officiel.
De plus, les nominations doivent être confirmées par le Congrès. Dernièrement, la Fed a plutôt reçu des pouvoirs extraordinaires à la suite de la crise de 2008. En pratique, Trump a en fait nommé deux dirigeants clés, incontestés, à la tête du conseil de la Fed, Powell et Clarida. Trump, en tant que promoteur immobilier, a un biais favorable au secteur bancaire et préfère des taux d’intérêt bas. Ses nombreuses entreprises prospèrent grâce à une politique laxiste. Il a donc une tendance naturelle à favoriser la déréglementation et les mesures monétaires accommodantes. Dans ce contexte, on l’a récemment accusé d’intervenir dans la politique monétaire de la Fed. On dénonce des dommages potentiels à la crédibilité de la banque centrale … Les craintes d’une rupture du cycle économique sont fondées. Trump veut une croissance – débridée – à n’importe quel prix. Il a imposé à son gouvernement de baser sa politique sur des prévisions de croissance durable de plus de 3% au cours des prochaines années. D’une certaine manière, il poursuit les mêmes objectifs cycliques (et électoraux) que Burns, avec 2020 en point de mire.
Mais, jusqu’à présent, il n’a absolument pas utilisé de moyens d’action similaires. Certes, l’accélération de l’expansion est bien avancée en 2018, mais essentiellement grâce à l’hyperstimulation fiscale. Ce processus, très tardif dans le cycle, pourrait bien interrompre la «grande modération» – en place depuis une décennie – voire provoquer la fin du cycle économique. Dans un tel scénario, une phase temporaire d’«irritation» de l’inflation ne serait pas comparable à l’hyperinflation à 70/80. En résumé, les forces structurelles vont contenir l’inflation américaine. L’administration américaine cherche plutôt à: a) tracer une ligne rouge à Powell, et b) désigner un bouc émissaire commode, avant le ralentissement inévitable de la croissance en 2019. Trump ne représente pas un danger pour l’indépendance de la Fed. Il est prématuré de dénoncer son intrusion dans la politique monétaire. La politique économique actuelle augmente les chances d’une rupture du cycle économique. En conclusion, les taux du Trésor américain et le USD ne seront pas impactés par ces «péripéties», du moins pas en 2018.