Date: 31 mars, 2020 - Blog
Conservatisme – la voie suisse
Le paysage politique de la Confédération suisse est profondément enraciné dans le consensus. Sa structure et son fonctionnement sont fondamentalement conservateurs. La composition de son gouvernement – le Conseil fédéral – est guidée par une « formule magique » quasi-inamovible. L’évolution de la politique suisse est graduelle et la prise de décision lente. La neutralité du pays est une caractéristique corollaire de tout cela. Sur la scène internationale, tout ceci offre à la Suisse une position unique – enviable – et un meilleur statut que ne le justifieraient sa taille / son poids économique.
La sphère financière de la Suisse est très surdimensionnée. Cela résulte notamment des caractéristiques susmentionnées de son paysage politique, de l’attractivité fiscale historique et du stade très mature de son économie. Mais cela provient aussi en partie de l’ADN de sa population : fiabilité, ponctualité, confidentialité, respect de la vie privée, etc.
Les banques (et les assureurs) suisses font partie de la ligue mondiale. Les autorités suisses ont sauvé UBS à deux reprises, lors de la crise des subprimes puis de la crise ¨fiscale¨ Birkenfeld. La Banque centrale suisse a également fait ses preuves en matière d’utilisation de son bilan comme arme de gestion / protection du CHF.
Tout ce qui est lié au ¨Capital / Argent¨ est clé en Suisse
En matière financière, la Suisse est pragmatique et proactive
Les autorités suisses manipulent avec dextérité une ingénierie financière de haut niveau / innovante
Bilan de la BNS. Une épée à double tranchant
Ratio Bilan / PIB
Source: Bloomberg
Tant que la stratégie de la BNS – de croissance de son bilan – a généré des revenus (aux cantons) et des résultats (calmant l’appréciation du CHF), tout allait bien. Mais avouons-le, c’est une stratégie très risquée. Premièrement, elle peut potentiellement qualifier la Suisse de manipulateur monétaire selon les critères très volatils de l’administration américaine. Et deuxièmement, elle peut s’avérer difficile à gérer en période de crise des marchés financiers, comme celle dans laquelle nous sommes actuellement …
Après quelques années de succès et de complaisance temporaires …
… le temps est enfin venu pour la BNS de faire l’analyse bénéfice / risque de sa stratégie bilantielle
Un QE à la Suisse. Joli cadeau de Pâques aux citoyens suisses dans le besoin
Voyons deux stratégies, originales, de sortie par le haut :
Option 1, rééquilibrer le portefeuille. Comme nous l’avons déjà évoqué dans une publication antérieure, il existe un décalage manifeste entre la structure du portefeuille et son objectif « économique / monétaire ». En bref, la très forte proportion d’actifs en USD et en actions pourrait être réduite au profit des actifs en euros. Vendre des dollars américains et acheter des euros respectivement apaiserait Trump et plairait aux exportateurs suisses.
Option 2, réduction de son portefeuille et lancement d’un « QE suisse pour le peuple ». Elle pourrait par exemple financer l’assurance maladie des Suisses durant la crise sanitaire. Ou subventionner un élargissement / approfondissement de la couverture chômage. Les deux seraient des mesures « sociales » appropriées, ciblant principalement les ménages nécessiteux.
- La publication prochaine des résultats financiers de la BNS au T1 pourrait être un point délicat / de basculement
- Le Directoire de la BNS devrait envisager de réorienter sa stratégie à cette occasion
- Une injection de cash de type helicopter-money faciliterait (politiquement) l’adoption d’une telle volte-face